mercredi 3 février 2010

La morale s‘invite à Davos


Il faut lire le discours de Nicolas Sarkozy à l’ouverture de la 40ème session du Forum de Davos. Personnellement, j’ai « bu du petit lait » tant il va dans le sens de ce blog pour la refondation du capitalisme. Voici quelques extraits, jugez vous-même :

… « Il n’y a pas de prospérité sans un système financier efficace, sans que les biens et les services circulent librement, sans que la concurrence ne vienne remettre sans cesse en cause les rentes de situation.

Mais la finance, le libre-échange, la concurrence, ne sont que des moyens et non des fins.

La mondialisation a dérapé à partir du moment où il a été admis que le marché avait toujours raison et qu’aucune autre raison ne lui était opposable (…)

Nous continuerons à faire courir des risques insoutenables à l’économie, à encourager la spéculation, à sacrifier le long terme si nous ne changeons pas la réglementation bancaire, les règles prudentielles, les règles comptables. Cela n’est pas qu’une affaire d’experts. Cela nous concerne tous.

Nous ne vaincrons pas la faim dans le monde, la pauvreté, la misère si nous ne parvenons pas à stabiliser les cours des matières premières qui évoluent de façon erratique (…)

En nous défaussant de toutes nos responsabilités sur les marchés, nous avons créé une économie qui a fini par fonctionner à rebours des valeurs auxquelles elle se référait et de ses finalités (…)

Que ce soit à l’O.I.T, au F.M.I, à la Banque Mondiale, à la F.A.O ou au G20, on discute au fond de la même chose sous des aspects différents : comment remettre l’économie au service de l’homme ?

Comment faire en sorte que l’économie n’apparaisse plus comme une fin en soi mais comme un moyen ? Comment aller vers une mondialisation où chacun en se développant contribuerait au développement des autres ? Comment bâtir une mondialisation plus coopérative et moins conflictuelle ?

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de nous demander par quoi nous allons remplacer le capitalisme mais de savoir quel capitalisme nous voulons.

La crise que nous traversons n’est pas une crise du capitalisme. C’est une crise de la dénaturation du capitalisme. C’est une crise liée à la perte des valeurs et des repères qui ont toujours fondé le capitalisme (…)

Le capitalisme purement financier est une dérive dont on a vu les risques qu’elle faisait courir à l’économie mondiale. Mais l’anticapitalisme est une impasse pire encore.

Nous ne sauverons le capitalisme qu’en le refondant, en le moralisant. Je sais que ce terme peut susciter beaucoup d’interrogations .

De quoi avons-nous besoin au fond, sinon de règles, de principes, d’une gouvernance qui reflètent des valeurs partagées, une morale commune ?

On ne peut pas gouverner le monde du XXIe siècle avec les règles et les principes du XXe siècle. On ne peut pas gouverner la mondialisation en tenant à l’écart la moitié de l’Humanité, sans l’Inde, l’Afrique, ou l’Amérique Latine (…)

Il y a des profits excessifs qui ne seront plus acceptés parce qu’ils sont sans commune mesure avec la capacité à créer des richesses et des emplois.

Il y a des rémunérations qui ne seront plus supportées parce qu’elles sont sans rapports avec le mérite. Que celui qui crée des emplois et des richesses puisse gagner beaucoup d’argent n’a rien de choquant. Mais que celui qui contribue à détruire des emplois et des richesses en gagne lui aussi beaucoup est moralement insupportable.

Il y aura à l’avenir une exigence beaucoup plus grande que les revenus soient mieux proportionnés à l’utilité sociale, au mérite. Il y aura une plus grande exigence de justice. Il y aura une plus grande demande de protection (...)

L’autre question que nous ne pouvons plus éluder est celle du rôle que doivent jouer les banques dans l’économie. Le métier de banquier n’est pas de spéculer, c’est d’analyser le risque du crédit, de mesurer la capacité des emprunteurs à rembourser et de financer le développement de l’économie. Si le capitalisme financier a connu une telle dérive c’est d’abord parce que beaucoup de banques ne faisaient plus leur métier. Pourquoi prendre le risque de prêter aux entrepreneurs quand il est si facile de gagner autant d’argent en spéculant sur les marchés ? Pourquoi ne prêter qu’à ceux qui peuvent rembourser quand il est si facile de sortir les risques de son bilan ? (…)

Alors, il nous restera à faire émerger un nouveau modèle de croissance, à inventer une nouvelle articulation entre l’action de la puissance publique et l’initiative privée, à investir massivement dans les technologies de demain qui vont porter la révolution numérique et la révolution écologique. Il nous reste à inventer l’État, l’entreprise et la ville du XXI siècle (...)»

On ne peut que se réjouir de tels propos ; il a fallu beaucoup de courage à Nicolas Sarkozy pour les tenir devant un parterre d’industriels et de banquiers…Comme on s’en doute, ce discours a été fraîchement accueilli… Seules deux personnes ont applaudi ! Encore un petit effort, Monsieur le Président, et vous comprendrez que la refondation du capitalisme passe par l’égalité de pouvoir entre actionnaires et salariés dans d’entreprise.
Maintenant, imaginons un père ou une mère de famille qui verrait ses enfants se battre et se faire mal avec des jouets dangereux ; leur feraient-ils simplement une leçon de morale ? N’enlèveraient-ils pas à leurs enfants les jouets avec lesquels ils peuvent se faire mal ? Bien sûr que oui !
Nicolas Sarkozy dénonce – entre autres et à juste titre – la spéculation comme la source de tous les maux du capitalisme et en particulier il montre du doigt les banquiers qui ont oublié leur métier ; mais ce n’est pas tout de faire de la morale ! Si l’on veut remédier à ces dysfonctionnements il faut réformer les réglementations des marchés de tous ordres qui permettent à tout un chacun de spéculer sur tout et n’importe quoi : les monnaies, les denrées alimentaires, les matières premières, les entreprises … La Bourse est devenue un véritable casino…Pour réglementer, des pistes existent telles que :
- taxer toutes les transactions à caractère spéculatif (sachons faire la différence entre celui qui achète ou vend pour des besoins professionnels et celui qui achète ou vend uniquement pour spéculer)
- imposer aux vendeurs à terme au moment du passage d’ordre de posséder le tiers de ce qu’ils vendent
- imposer aux acheteurs à terme au moment du passage d’ordre de payer le tiers de ce qu’ils achètent
Ces trois mesures seraient un frein aux excès de la spéculation. Il y en a encore mille autres … Seule manque la volonté de les prendre…

2 commentaires:

  1. Réflexion très juste sur le discours de M. SARKOSY, " Seule manque la volonté " c'est toute la difficulté du monde dans lequel nous vivons : la volonté ! ! Merci pour cet article.
    Maxime FLORENT

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  2. Un grand merci à Maxime FLOREN pour sa réaction ! Ne désespérons pas, les mentalités vont évoluer... Aurait-on imaginé il y a seulement vingt ne pas pouvoir fumer dans une gare ou un bar !

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Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...